La Cour de cassation précise les conséquences indemnitaires d’une requalification de CDD en CDI
La Cour de cassation précise les conséquences indemnitaires d’une requalification de CDD en CDI

La Cour de cassation précise les conséquences indemnitaires d’une requalification de CDD en CDI

Dans trois arrêts rendus le 8 février 2023, la Cour de cassation indique comment calculer l’indemnité de requalification, les rappels de salaires dus le cas échéant au salarié à la suite de celle-ci, ainsi que l’indemnité de licenciement abusif et l’indemnité compensatrice de préavis en cas de rupture ultérieure du contrat requalifié.

LE CALCUL DE L’INDEMNITE DE REQUALIFICATION : dans la première affaire, qui concerne une cheffe monteuse engagée selon plusieurs contrats à durée déterminée, la salariée saisit la juridiction prud’homale d’une demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes. Elle forme un pourvoi en cassation, faisant grief à la cour d’appel d’avoir limité le montant de l’indemnité de requalification en le fixant par référence à la rémunération mensuelle moyenne perçue au cours de l’année 2020, année ayant précédé la rupture du contrat. Elle considère que si la loi fixe un montant minimal qui ne peut pas être inférieur à un mois de salaire, elle ne donne pas plus de précision sur sa base de calcul.
Dans cette première décision, la Cour de cassation juge que le montant est calculé selon la moyenne de salaire mensuel dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud’homale et précise que cette moyenne doit être déterminée au regard de l’ensemble des éléments de salaire, y compris lorsqu’ils ont une périodicité supérieure au mois.

Dès lors, pour fixer le montant minimal de l’indemnité de requalification, il convient d’adopter une vision prospective prenant en considération l’ensemble des conséquences issues de la requalification des contrats.

LA REQUALIFICATION DU CDD REPLACE LE SALARIÉ DANS LA SITUATION D’UN CDI DEPUIS L’ORIGINE : les deux autres décisions concernent respectivement une salariée engagée en qualité de journaliste pigiste par plusieurs contrats à durée déterminée d’usage et un salarié engagé en qualité de réalisateur, suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée.
Dans ces affaires, le juge a prononcé la requalification des CDD en relation à durée indéterminée, ce que l’employeur ne contestait pas sur le principe.

La question portait, dans les deux cas, sur le calcul de rappels de salaire et accessoires : l’employeur soutenait que le montant global des sommes versées lors des CDD requalifiés était supérieur à celui des sommes dues aux salariés permanents, de sorte que le salarié était rempli de ses droits. Or, le principe de la requalification des CDD en CDI impose une fiction juridique selon laquelle le salarié est replacé, depuis l’origine de la relation, dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait conclu en premier lieu un contrat à durée indéterminée. Cette transformation dont les effets remontent dans le temps suppose l’octroi de certaines sommes dues aux salariés en CDI et qui n’ont pas été versées au salarié lors de ses CDD requalifiés.
La Haute Juridiction confirme que les sommes qui ont pu être versées au salarié et étaient destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

L’INDEMNITÉ DE LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE EST ASSISE SUR LES SALAIRES PERÇUS EN CDD : dans la troisième affaire, l’employeur faisait grief à l’arrêt qui, pour le condamner au versement d’une certaine somme à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avait pris en considération les sommes versées au titre du statut d’intermittent, dont le montant était supérieur au salaire que le salarié aurait perçu en CDI.
Partant du principe que la requalification des CDD en relation à durée indéterminée a pour effet de replacer le salarié dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été embauché depuis l’origine en CDI, l’employeur faisait valoir que le salaire de base servant d’assiette à l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse devait être celui que le salarié aurait perçu en CDI.
Rappelant que les sommes versées au salarié en sa qualité d’intermittent, destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restaient acquises, la Cour de cassation en déduit que les juges du fond, qui, pour déterminer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ont pris en compte les sommes perçues par le salarié au titre du salaire de base brut d’intermittent qui lui étaient définitivement acquises, ont fait une exacte application de l’article L 1235-3 du Code du travail.

En revanche, l’employeur contestait, de la même manière, le mode de calcul de l’indemnité compensatrice de préavis. Selon lui, son montant doit être égal au montant des salaires que le salarié aurait perçus s’il avait travaillé pendant la durée du préavis.
Or, par l’effet de la requalification des CDD en relation à durée indéterminée, le salarié devait être replacé dans la situation d’un salarié permanent de l’entreprise, de sorte que, selon lui, l’assiette de l’indemnité compensatrice de préavis devait exclure les sommes versées dans le cadre des CDD.
Au visa des articles L 1234-1 et L 1234-5 du Code du travail, la Cour de cassation confirme d’abord que l’indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu’il aurait perçus s’il avait travaillé pendant la durée du préavis et rappelle l’effet de la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l’entreprise depuis l’origine : en d’autres termes, par l’effet de la requalification en contrat à durée indéterminée, l’indemnité de préavis devait être calculée au regard des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de travailleur permanent qui lui avait été reconnu.